Dans ce texte de l’ancien journaliste sportif d’Africa N°1, le confrère fait un diagnostic sans complaisance de notre football aujourd’hui, et partant, de l’institution qui le gère.
« Comme pour ignorer que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, la Fédération Gabonaise de Football (FEGAFOOT) nous remet le plat du désordre électoral qui avait prévalu à la prise de pouvoir de Pierre Alain Mounguengui dont le mandat est entré à expiration et qui doit céder son fauteuil le mois prochain. On reparle aujourd’hui du double code électoral : l’arrangé local et celui dicté par le Fifa. On reparle de collège électoral flouté ou tentaculaire, demandé selon qu’on est candidat sortant ou entrant.
Le comble de cette situation est que les programmes de développement des uns et des autres qui devraient guider les votes sont soit occultés, soit inexistants. L’important semble n’être que de prendre possession des clés de la Maison Alexandre Sambat, la porte d’entrée du gros pactole que représentent en cumulé les subventions de l’Etat plus les aides de la Caf et de la Fifa.
En un mot, on pense à changer les hommes ou à garder les mêmes à la tête de la Fégafoot, pour recommencer avec les travers qui plombent le progrès de notre football depuis des années.
La Fégafoot serait une association des joueurs de Songo de Cocotiers que ses frasques et magouilles ne nous intéresseraient que très peu. Il se trouve bien malheureusement pour elle qu’en plus de gérer le sport que nous aimons qui nous soude dans un élan de patriotisme que les partis politiques envient, elle parle et agit en notre nom sur le plan international tout en recevant et dépensant une partie importante de nos impôts.
« La Fégafoot nous doit des explications »
Contrairement à la secte qu’elle veut être en ne daignant rendre des comptes à personne, elle nous doit des explications sur tout ce qu’elle fait. C’est manquer de respect aux deux millions de supporters des Panthères que nous sommes, que de ne pas expliquer ce qui s’est réellement passé pendant la phase finale de la Can à Yaoundé.
Pourquoi et comment l’équipe nationale qui est de son exclusive responsabilité a été amputée de ses deux meilleurs joueurs sous le mensonger prétexte de lésions cardiaques liées à une infection au coronavirus alors qu’ils n’en ont jamais été malades ? Comme elle doit obligatoirement faire la lumière sur la source interne qui a inventé et alimenté la presse et ses mercenaires des comportements d’indiscipline qu’ils n’ont jamais eus.
Mieux encore, c’est faire preuve de suffisance et d’arrogance, voire de complicité active quand, informée d’actes pédophiles et donc criminels posés par certains encadreurs agissant en son nom, et alors qu’elle n’en a ni le droit, ni la compétence légale, cette même Fégafoot s’est contentée de créer des commissions d’enquête interne dont on imagine l’incongruité et l’inefficacité par le fait de la proximité entre les acteurs et les enquêteurs, au lieu d’adopter la démarche normale de porter l’affaire devant la Justice pour que le crime soit pris à la mesure de son immense gravité pénale. Comme si on voulait créer l’impunité dans une zone de non droit, comme si pour la Fégafoot les victimes étaient moins importantes que les auteurs de ce crime en série et de longue durée. Du reste, personne ne sait quels rapports ont été rendus pour des faits qui ont incontestablement existé.
« Nous ne voulons surtout plus d’une Fédération archaïque »
Nous ne voulons plus d’une telle Fégafoot. Comme nous ne souhaitons plus rencontrer une Fédération amnésique et ingrate qui fait ou laisse enfermer d’anciens internationaux qui ont droit à plus de respect quand ils veulent prendre la parole sur les sujets qui gênent et surtout sur les sujets qui fâchent. Ce qui s’est passé à Franceville avec Stéphane Nguema est une honte, un manque de reconnaissance qui ne se serait et ne s’est jamais manifesté ainsi ailleurs qu’au Gabon.
Nous ne voulons surtout plus d’une Fédération archaïque qui oublie de répondre aux correspondances des instances internationales avec la conséquence de nous faire payer par amateurisme de lourdes amendes. Celui qui avait cette responsabilité n’a plus sa place là.
Et puis, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, quand une équipe nationale dort dans le hall d’un aéroport, c’est son encadrement qui est en faute. C’est lui qui n’a pas su anticiper, aller en éclaireur pour prendre les renseignements sur les conditions d’accès dans le pays d’accueil et qui les découvre en même temps que les joueurs.
Dans le même ordre d’idées, ce n’est pas le joueur qui refuse de monter dans un avion sans âge pour aller au Soudan qui manque de patriotisme. C’est celui qui l’a affrété en ignorant les dangers qui est à blâmer. Nous sommes en 2022 et ne voulons plus d’une Fédération qui continue à penser qu’il suffit d’aligner onze joueurs sur un terrain de football pour en attendre de bons résultats, sans les conditions sportives, sans l’encadrement humain, professionnel et technique nécessaire à les réussir.
A côté des filles de l’équipe nationale dont il faut louer le courage et l’abnégation pour être allées en bricolant sur la dernière marche d’une qualification pour la Can dames, nous avons tout de même la honte nationale de la suspension provisoire du Gabon de toutes les compétitions continentales de clubs par la Caf. Elle met fin aux nominations à critères non publics qu’opérait la Fédération pour faire de la figuration, et se donner des airs de travailleuse.
Sur ce chapitre d’ailleurs la Fégafoot pourrait arguer qu’elle n’organise pas le championnat qui est du ressort de la Ligue Nationale de Football (Linaf) et que son rôle est de prendre en charge les champions qui en sortent pour les emmener dans les compétitions internationales. Elle se prévaudrait de sa propre turpitude. C’est elle qui a tué la hiérarchie entre les clubs, les associations et la Linaf en faisant ses électeurs au même niveau.
« Petits cadeaux et voyages de groupes »
Elle les traite ainsi au point de ne plus pouvoir exiger quoi que ce soit et user de son autorité quand ça ne va plus. Petits cadeaux et voyages de groupes font partie de sa panoplie de campagne électorale permanente. Sa place de patron est donc si corrompue qu’elle en a les mains liées.
Dans les conditions normales, les clubs devraient se limiter à désigner les membres de la Ligue nationale, pendant que les ligues et les associations élisent la Fédération. C’est le contraire qui favorise l’immobilisme auquel nous assistons, les clubs pouvant décider de bloquer le championnat quand ils veulent et pour n’importe quelle revendication, face à une fédération impuissante. Cette situation doit s’arrêter.
Comme doit aussi s’arrêter l’énorme intrusion du ministre dans la gestion au quotidien des équipes nationales. Sans exagération aucune, les autres fédérations estiment qu’il y a un ministère du foot au Gabon en abandon des autres sports.
Ce phagocytage a deux portes d’entrée. L’appartenance du ministre et du président de la Fégafoot au même bord politique qui établit des hiérarchies de militants d’une part, et la manière dont le président est arrivé à la tête de la fédération par l’invalidation d’une défaite d’autre part. Cela dicte de fait une impuissance à s’opposer aux actions du ministre, même les plus destructrices.
On a assisté à des débordements qui ont permis au ministre de sortir de sa zone de compétence qui est juste de définir la politique sportive du pays, pour empiéter sur le rôle de sélectionneur national en distribuant des bons points de patriotisme et donc de mérite de sélection entre les joueurs dont un a de ce fait été mis de côté. Inadmissible ! On a aussi vu ses relations avec les joueurs se dégrader depuis Yaoundé au point de se voir interdire les vestiaires alors qu’il ne devrait avoir aucune relation directe avec eux. Or, le ministre est lui-même sous les ordres du chef du parti et de l’Exécutif.
Cela crée tout naturellement une gestion de l’équipe nationale à trois niveaux aux intérêts qui ne sont pas forcément complémentaires dans l’exploitation des résultats entre le sportif et le politique exagéré. D’une telle fédération amorphe et aux ordres alors qu’elle a l’obligation d’autonomie vis-à-vis des autorités politiques et qu’elle bénéficie en toute occasion du soutien des instances internationales en cas de besoin, nous ne voulons plus non plus.
La France de 1970 comme exemple type
Une anecdote bien connue pour terminer. Dans les années 1970, la France est la pourvoyeuse de points de toute l’Europe pour les qualifications aux compétitions internationales. Pour y mettre fin, il est confié à Albert Batteux la mission de mettre en place un plan développement du football.
Sa stratégie sera simple, une planification des actions à mener avec pour objectif affiché de gagner une coupe du monde sous 20 ans. Il préconise alors la formation sous la forme d’une prolifération des écoles de football, le développement financier des clubs par l’entrée des capitaux des entreprises, la multiplication et la modernisation des infrastructures.
Il a eu raison. A la fin des années 90 comme il l’a prédit, la France a gagné sa première coupe du monde. Elle en a deux aujourd’hui et en 2022, son pays grâce à ce plan de développement est parmi ceux qui exportent le plus ses talents. Voilà le travail d’une Fédération… Une excellente raison de sortir notre si habituelle photocopieuse ».